Travail non rémunéré et économie du soin : les députés s’imprègnent des enjeux à travers un atelier d’orientation parlementaire
Travail non rémunéré et économie du soin : les députés s’imprègnent des enjeux à travers un atelier d’orientation parlementaire

À l’hôtel Azalaï, parlementaires, experts et représentants de la société civile se sont réunis à l’occasion d’un atelier d’orientation parlementaire consacré au travail domestique non rémunéré et à l’économie du soin. Une initiative du Centre de Recherche en Économie et en Gestion (CREG), organisée en partenariat avec l’Assemblée nationale et le Réseau africain de promotion des comportements clés pour le développement durable, coordonné par Brice Tomavo.
Cette rencontre visait à sensibiliser les députés et acteurs de la décision publique à un pan souvent invisible mais fondamental de l’économie nationale : celui des activités de soins et du travail domestique, principalement assumés par les femmes, mais rarement valorisés dans les indicateurs économiques traditionnels.
Le Professeur Latif Dramani, coordonnateur du CREG, a ouvert les travaux par deux communications majeures :
Comprendre les liens entre la population et l’économie ;
Données nationales et leviers de politiques publiques.
Dans son exposé, il a rappelé que le travail domestique non rémunéré constitue « une réalité aussi visible qu’invisible », pourtant essentielle au fonctionnement de toute société. « Préparer les repas, faire le ménage, élever les enfants ou prendre soin des personnes âgées : ces activités soutiennent l’économie active, sans jamais être comptabilisées dans le PIB », a-t-il souligné.
Selon les données de recherche du CREG, les femmes consacrent en moyenne plus de neuf heures par jour aux tâches domestiques, soit presque le double du temps des hommes. Cette inégalité de répartition du travail de soin, a-t-il ajouté, contribue aux décrochages scolaires des filles et limite leur participation au marché du travail formel.
Pour le Professeur Dramani, il est urgent de sortir le travail de soin de l’ombre et d’en faire un levier de politiques publiques, afin de bâtir une société plus équitable et économiquement inclusive.
Au nom du Président de l’Assemblée nationale, Mahugnon Kakpo a salué la tenue de cet atelier, qu’il a qualifié de moment charnière dans la construction d’un cadre législatif inclusif et équitable.
« Reconnaître, valoriser et protéger le travail domestique non rémunéré, c’est rétablir une forme de justice économique et sociale », a-t-il déclaré. Selon lui, ce travail silencieux, accompli au quotidien par les mères, épouses, sœurs et filles, constitue le véritable pilier de notre économie nationale, en assurant la stabilité et le bien-être des foyers.
Il a par ailleurs rappelé les limites des indicateurs économiques actuels, tels que le produit intérieur brut (PIB), qui ne prennent pas en compte la valeur des soins familiaux. D’où la nécessité, a-t-il insisté, d’élargir la lecture économique du développement à des dimensions sociales et intergénérationnelles.
Des partenaires engagés pour une économie plus équitable
Intervenant au nom de Population Reference Bureau (PRB), Aïssata Fall a salué la pertinence de cette initiative qu’elle a qualifiée d’historique :
« Voir la demande venir directement de la sphère politique est un signe fort que la recherche francophone africaine trouve désormais sa place dans le débat public », a-t-elle souligné.
Elle a rappelé que le travail de soin domestique non rémunéré souvent assuré par les femmes dans l’ombre – est au cœur de toute société et conditionne la réussite économique et sociale. « Il n’y a pas d’économie, pas d’éducation, pas de développement durable sans ce travail qui permet aux autres d’aller exercer un emploi rémunéré », a-t-elle affirmé.
Mme Fall a également annoncé la mise à disposition d’un livret d’accompagnement élaboré par le PRB et le CREG, destiné à vulgariser les notions économiques et démographiques clés liées à l’économie du soin, afin d’en faciliter l’appropriation par les parlementaires.
Le président de la Commission des relations extérieures, l’honorable Abdoulaye Gounou, a, pour sa part, invité ses collègues à s’approprier les conclusions de cet atelier et à œuvrer à leur traduction en initiatives législatives concrètes.
« Le travail domestique non rémunéré représente une production réelle, mais non comptabilisée dans les agrégats économiques de notre pays. Nous devons le reconnaître et l’intégrer dans nos politiques publiques », a-t-il exhorté.
Conscient des défis à relever, il a salué la présence des chercheurs et partenaires internationaux qui accompagnent le Bénin dans cette démarche d’équité et de justice sociale.
En clôture, les différents intervenants ont unanimement reconnu que la valorisation du travail domestique et de l’économie du soin ne relève pas seulement d’une question de genre, mais aussi d’une exigence de justice sociale et de durabilité économique.
Le CREG, à travers ses travaux, entend poursuivre la sensibilisation et le plaidoyer pour que ces activités, longtemps ignorées, soient intégrées dans les instruments de planification et de mesure du développement.
Ainsi, l’atelier d’orientation parlementaire de Cotonou marque une étape décisive dans l’appropriation politique de l’économie du soin, avec l’espoir qu’à terme, les politiques publiques béninoises reflètent mieux la valeur du travail invisible qui fait tenir la société.
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